Les enchaînées

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Extrait : CHAPITRE PREMIER
Cinq heures sonnèrent, répétées une fois deux fois. Les nombreux étudiants qui sortaient du cours de Potier envahirent aussitôt la place de l’Ecole-de-Médecine. Groupés ou se suivant, ils s’éloignaient, sérieux encore, retenant d’un sourcil foncé les définitions du maître. Certains discutaient avec des mots obscurs et aucun ne remarquait qu’après de froides et rageuses giboulées, cet après-midi d’avril fondait en une douceur printanière.
Quelques blancs et lents nuages paressaient sur l’azur, le soleil qui dorait les toits du boulevard Saint-Germain, lustrait les minces flaques d’eau persistant sur la chaussée ; des marronniers bourgeonnants, un reste de pluie s’égouttait en perles cristallines.
Parmi les retardataires, maintenant espacés, se détachait une silhouette féminine, à la mine sérieuse, à l’allure discrète. Grande et svelte dans son simple tailleur, Andrée Estève avait une de ces allures volontairement neutres qui, dans la rue, n’attirent pas le regard. Un instant arrêtée, elle intercala dans sa serviette de cuir le cahier de notes dont s’embarrassait sa main droite. Elle repartait, se dirigeant vers la rue de l’Odéon quand son nom, prononcé tout haut, lui fit soudain tourner la tête…